Monday 21 April 2008

La concurrence des memoires promue par Liberation


"Le temps est révolu où la mémoire de la Shoah protégeait les Juifs de l’antisémitisme. Aujourd’hui, elle les y expose. Plus on en parle et plus ça énerve. Le premier impératif philosophique, c’est: “Connais toi toi-même”; le premier impératif politique, c’est, comme le souligne Hannah Arendt: “Connais ton ennemi.” Et l’ennemi contemporain n’est pas l’idéologie raciste mais l’idéologie victimaire. D’autres descendants de victimes réclament leur dû, d’autres communautés exigent leur part de Shoah. Le geste de Sarkozy apparaît aux Indigènes de la République, aux héritiers des esclaves, aux ex-colonisés et aux défenseurs de la cause palestinienne, comme un cadeau supplémentaire à ceux qui sont déjà les chouchous de la mémoire. “Trop, c’est trop”, disent-ils de plus en plus fort."(...)

"Pourquoi les enfants juifs, entend-on, pourquoi pas les enfants noirs victimes de la traite, pourquoi pas les enfants victimes de la colonisation et, dernier exemple, extrêmement révélateur, dans Libération ce samedi, sous la plume d’un lecteur, pourquoi pas les enfants expulsés en vertu de la loi Hortefeux ? (...) Autrement dit, l’expulsion équivaut à la déportation et ceux-là mêmes qui s’identifient aux sans-papiers assimilent subrepticement, et peut-être à leur propre insu, l’Afrique à un gigantesque camp de concentration. Ce sont les avatars de l’anticolonialisme. A l’époque des luttes pour l’indépendance, on disait, comme Sartre : “L’Europe a mis les pattes sur les autres continents, il faut les taillader jusqu’à ce qu’elle les retire.” Aujourd’hui, “celui qui est ici est d’ici”, dit Alain Badiou. Tout le monde est européen et tout ce qui n’est pas l’Europe, c’est Auschwitz."
(Alain Finkielkraut, interview sur www.causeur.fr)

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